Missile de croisière au rayon bricolage
"Construire un missile de croisière pour 5 000 dollars (4 000 euros)." C'est par cette annonce détonante que les visiteurs découvrent le site de Bruce Simpson, un Néo-Zélandais de 49 ans. Bidouilleur génial, mais dangereux. Son manuel du petit artificier pourrait bien inciter les bricoleurs du dimanche à mettre la main non plus à la pâte, mais au pain de plastic…
L'affaire commence en juin 2003, lorsque Bruce annonce à la presse qu'il construit un missile de croisière chez lui, dans son garage. Rien de bien sorcier, assure-t-il, mais efficacité assurée : le missile a une portée de 160 km et une charge de 10 kg. Le budget ? Dérisoire, 4 000 euros. Grâce à son artillerie de campagne, n'importe quel potager devient potentiellement une batterie antiaérienne.
Ce McGyver pro-TNT lance un site Internet pour en expliquer la conception, avec un message simple : pas besoin d'être un scientifique de la NASA pour se fabriquer un missile sol-air. Photos à l'appui, Bruce Simpson explique où se procurer les composants sur le Net puis détaille les différentes stades de la fabrication : construction de la carlingue, du moteur, du lanceur, programmation du système de guidage par satellite (GPS)… Pas plus compliqué qu'un kit Ikea !
La nouvelle se propage comme une traînée de poudre. Les voisins de Bruce redoutent que celui que l'on appelle désormais le Docteur Folamour ne fasse sauter tout le quartier. Voire le monde entier, comme en témoigne la ruée des internautes sur son site, toujours accessible, "plus de 600 mails par jour, des gens fascinés ou horrifiés par mon invention", explique-t-il. Bruce feint de ne pas comprendre la peur générale et se défend de faire le jeu des terroristes. Son expérience, assure-t-il, est d'utilité publique : "Bien évidemment, l'objectif de ce site n'est pas de fournir aux terroristes et autres malfaisants les plans d'un missile de croisière opérationnel, mais de prouver que les nations doivent se préparer à ce type d'attaque élaborée à l'intérieur de leurs propres frontières." Seconde salve : "Jusqu'à mon expérience, qui aurait cru que son voisin puisse construire une arme terroriste dans son garage ?" De là à faire circuler la notice sur le Web...
Redoutant un final à la Kubrick, le gouvernement a décidé de désamorcer la situation. D'autant que certaines puissances étrangères, "l'Iran, le Pakistan et certains pays du Proche-Orient", se sont montrées très intéressées par le missile de Bruce. Début novembre 2003, le fisc débarque dans son atelier et le conduit à la banqueroute. Un mois plus tard, "le gouvernement a fait saborder un contrat que j'avais conclu avec une entreprise américaine pour la fabrication de mon moteur X-Jet (un moteur à réaction)", fulmine l'inventeur, qui vient de se voir interdire de poursuivre ses expériences. Un coup dur pour Bruce, qui attendait impatiemment le feu vert de l'armée de l'air néo-zélandaise pour procéder à un essai en vol. Son moteur est consigné à l'atelier. Mais "des personnes de confiance s'occupent de mon premier missile (il en construit un second) jusqu'à ce qu'on puisse le tester le mois prochain", s'entête-t-il.
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